Quand le management découvre la lenteur
LE MONDE | 27.11.2014 à 17h46 | Margherita Nasi
La philosophie de la lenteur, inaugurée par le mouvement Slow Food pour combattre la standardisation alimentaire, touche désormais une pluralité de tendances. Et tout comme le Slow Food lutte contre le fast-food, le “slow management” se veut l’ennemi du “fast management”, cette créature du taylorisme qui transparaît jusque dans le langage : comme les soldats, les travailleurs sont investis de “missions”. Loin de se soucier de l’épuisement des ressources, le fast management en tire profit à travers l’augmentation de leur prix et la spéculation, affirme le collectif d’auteurs engagés.
Le slow management propose de remplacer les exigences accrues de rentabilité et de productivité par “un regain d’attention à la qualité, à la confiance, à la coopération pour refaire de l’économie et de l’entreprise non pas une fin en soi mais des moyens au service de l’humain”. Il ne se veut pas un simple palliatif mais un vrai dépassement du fast management : ce n’est pas une idéologie clé en main. Il se retrouve dans de nombreux secteurs économiques : de l’agroécologie à l’informatique, en passant par la “slow money”.
Alternative
En débusquant l’émergence de ces nouvelles pratiques, les auteurs s’interrogent sur leurs limites. Les systèmes informatiques ouverts, par exemple, contribuent au partage de l’information mais ne résolvent pas l’insoutenabilité écologique de l’informatique. Se pose aussi le problème de l’unité d’un mouvement déjà multiforme : le changement porté par le “slow” émergera-t-il de l’addition de ces initiatives ou seule une combinaison cohérente pourra induire à un changement des consciences ? Une question qui tend vers une interrogation encore plus philosophique, qui concerne la nature même du mouvement.
Le slow management est-il une alternative au management en tant que tel, ou à une forme excessive de management ? “S’il n’est qu’un autre management au sein d’une économie classique [de la croissance], alors, écrivent les auteurs, il mérite peut-être la critique ironique que Karl Marx adressait aux socialistes utopiques qui prétendaient changer le monde par des alternatives, et croyaient faire la révolution dans cinquante mètres carrés.”
Dans le cas contraire, il peut espérer devenir le management d’une économie alternative. Reste à savoir si celle-ci est possible et souhaitable.
“Slow management.Entreprendre la transition”, de Claudio Vitari, Arvind Ashta, Marjolijn Bloemmen, Roxana Bobulescu, Diana Bratu, Michel Lepesant, Isabelle Né et Nhu Tuyên Lê, Editions Pearson, Collection Village Mondial, 244 pages, 25 euros.
Margherita Nasi